Méthodes d’apprentissage positives…

Publié le par Lucky Pédadog

MÉTHODES D'APPRENTISSAGE POSITIVES
POUR DES RÉSULTATS POSITIFS
Par Anouck Haverbeke,
Docteur en Médecine Vétérinaire – PhD

Université de Namur, URVI,
Département de Médecine Vétérinaire,
Faculté des Sciences,
rue de Bruxelles 61, 5000 Namur, Belgique
VetEthology, Leemveldstraat 44, 3090 Overijse, Belgique, www.vetethology.be

« Il y a quelques semaines, un chiot, âgé de 5 mois, est venu en consultation. Ce chiot n’avait pas été correctement socialisé et avait reçu un grand nombre d’expériences négatives pendant ses premières semaines de vie. Depuis, il présente des comportements de peur et d’agression envers d’autres chiens et humains. Aujourd’hui, sa nouvelle famille d’accueil ne s’en sort plus… elle est désespérée… »

De tels témoignages font malheureusement encore partie d’une réalité quotidienne bien trop fréquente alors que la science propose des programmes de sensibilisation depuis déjà une quarantaine d’années (Fox, 1971; Gazzano et al., 2008 ; Battaglia, 2009 ; Pluijmakers et al., 2010 ; Thompson et al., 2010). Quand allons-nous enfin apprendre de nos erreurs afin de prévenir ces souffrances inutiles? Il est grand temps d’informer correctement les futurs propriétaires de l’importance de la période de socialisation ainsi que d’une utilisation correcte des méthodes d’apprentissage.

L’importance de la période de socialisation a été rappelée par l’équipe de l’AVA (revue de presse avril 2012). Les auteurs ont très bien décrit comment la maîtrise des différentes étapes du développement physiologique et comportemental permet de fournir au chiot un environnement et des stimulations adaptés pour un développement harmonieux (Batt et al, 2008). Il n’est pas lieu ici de rappeler tout le déroulement de cette période, mais rappelez-vous qu’elle forme la base de leur stabilité émotionnelle. Qu’elle ait été vécue positivement ou négativement par le chiot, ceci influencera une très grande partie de la vie future du chien (Seksel et al., 1999).

Le présent article vise à vous faire découvrir les conséquences des méthodes d’apprentissage utilisées. Quel est le lien entre les méthodes d’apprentissage et la relation homme-animal ? Les méthodes d’apprentissage, peuvent-elles jouer un rôle dans la prévention ou dans le traitement de problèmes comportementaux, tels que la peur, l’agression intra- et interspécifique, le comportement stéréotypé ?

Pour pouvoir répondre à ces questions, il est tout d’abord important de reprendre les théories d’apprentissage existantes. Les deux méthodes d’apprentissage les plus importantes dans l’entraînement canin sont le conditionnement classique et le conditionnement opérant (Giffroy, 2005).

Le conditionnement classique est à la base de l'apprentissage par association : l'animal met en relation deux événements qui se manifestent indépendamment de son comportement. L'animal associe un stimulus nouveau ou stimulus neutre, symbolisé SN, à un stimulus connu ou stimulus inconditionnel, symbolisé SI, et il y réagit de la même manière. Lorsque le stimulus neutre est associé au stimulus inconditionnel, il devient un stimulus conditionnel, symbolisé SC.

L’exemple le plus connu du conditionnement classique se retrouve dans l’expérience du chien de Pavlov. Un bruit (SN) a été associée à la nourriture (SI) jusqu’à ce que le bruit (devenu SC) provoque de la salivation en absence de nourriture.

La vie quotidienne nous montre de nombreuses applications de ce type d’apprentissage pavlovien :

« Au départ, un nouveau licol canin ne signifie rien au chien. Mais lorsque le propriétaire lui met ce licol à chaque fois qu’ils partent en promenade, ce chien apprendra rapidement que le licol précède la promenade. Il commencera à s’exciter dès que son propriétaire prendra le licol. Ceci est une forme d’apprentissage par association parce que l’animal apprend à associer un événement à un autre (le licol à la promenade), et maintenant les deux déclenchent une réponse similaire (excitation). »

« Le son d’un clicker peut être suivi d’une récompense. Finalement, ce son prédira la récompense et pourra être utilisé à la place de la récompense en tant que renforcement conditionné ou tout simplement afin de prédire l’arrivée de la récompense. Cependant, si la récompense (renforcement primaire) n’est pas maintenue pendant une longue période, ce son perdra rapidement son efficacité en tant que renforcement secondaire. »

« Un chien peut développer une peur conditionnée classiquement telle que la peur conditionnée d’une main levée après avoir été tapé physiquement. A terme, ceci peut affecter la réaction de l’animal envers d’autres formes de contacts manuels comme les caresses, le jeu… ».

Le conditionnement opérant est à la base de l’apprentissage par essais et erreurs : l’animal apprend à faire un lien entre son comportement et un événement de l’environnement.

Le conditionnement opérant est la méthode d’entraînement la plus fréquente et fonctionne différemment que le conditionnement classique: l’animal apprend que sa réponse à un ordre (stimulus discriminatif) a des conséquences (apparition ou disparition d’un stimulus appétitif ou aversif) (Reid, 1996). Par exemple, après l’ordre « assis », l’animal s’assied et reçoit une récompense. L’animal a établi un lien entre l’ordre «assis » et la relation « s’assoir signifie que je reçois une récompense ». En fonction de sa réponse, 4 scénarios sont possibles : le chien sera renforcé positivement (récompense), renforcé négativement (arrêt de traction sur le collier étrangleur), puni positivement (donner un choc électrique) ou puni négativement (retrait d’une récompense).

La vie quotidienne nous montre également de nombreuses applications du conditionnement opérant :

« Un chien apprend que pousser sur la poignée d'une porte permet de l'ouvrir et donc d'avoir accès à la cuisine où il trouve des renforcements tels que chaleur, présence humaine ou nourriture. »

« Un chien apprend que boiter est renforcé par l'attention que lui porte son propriétaire. »

« Un chien apprend à se coucher à distance suite à un coup de sifflet de son conducteur. »

Depuis le début de la domestication le chien a été au service de l’homme où il a effectué une grande diversité de tâches. Aujourd’hui, la majorité de chiens domestiques sont des animaux de compagnie. Mais même dans ce rôle, la plupart d’entre eux reçoit une base rudimentaire d’entraînement. C’est dans ce contexte-ci qu’il est primordial d’acquérir une compréhension correcte de l’utilisation de méthodes d’entraînement.

Les méthodes d’entraînement varient énormément. Les méthodes d’entraînement traditionnelles utilisent principalement les méthodes aversives (renforcement négatif, punition positive).

Bien que certains auteurs plaident en faveur de l’utilisation de la punition (p.e. Tortora, 1983; Yeon et al., 1999; Marscark and Baenninger, 2002), de sérieuses conséquences négatives ont été observées suite à l’utilisation de méthodes aversives utilisées incorrectement ou trop fréquemment (augmentation de l’état de stress (Beerda et al., 1998; Schilder and van der Borg, 2004 ; Schalke et al., 2007), apparition de problèmes comportementaux (comportement stéréotypé, peur, agression intra- et inter-spécifique) (Tortora, 1983; Roll and Unshelm, 1997; Hiby et al., 2004 ; Schilder & van der Borg, 2004, Blackwell & Casey, 2006 ; Haverbeke et al., 2008), plus d’excitation (Arhant et al., 2010), plus de distraction (Haverbeke et al., 2008) et une diminution des capacités d’apprentissage (Mendl, 1999).

Différentes études ont désormais démontré que les méthodes positives sont plus efficaces que les méthodes aversives (e.g. Adams and Johnson, 1994; Johnston, 1995; Hiby et al.2004, Haverbeke et al., 2008). Les méthodes d’entraînement positives utilisent le renforcement positif en récompensant les comportements désirables.

Aujourd’hui, il est observé que ce changement vers des méthodes d’entraînement positives prend un essor important et a incité différents chercheurs à comparer différentes techniques d’entraînement (Hiby et al., 2004 ; Haverbeke et al., 2009).

Une équipe belge a élaboré un Nouveau Programme de Familiarisation et d’Entraînement au sein de équipes cynotechniques de la Défense belge, basé sur des interactions homme-animal positives et plus fréquentes. Ce programme a été mis sur pied afin de résoudre les déficits rencontrés (manque de sécurité, d’efficacité et de bien-être). Un Groupe Expérimental a été comparé à un Groupe Contrôle. Les résultats ont montré une augmentation de l’efficacité (c.à.d. une meilleure obéissance), une augmentation de la sécurité (c.à.d. une diminution de l’agression) et finalement une augmentation du bien-être (c.à.d. une posture plus haute chez les chiens). Ce projet pionnier a ouvert les portes à une amélioration des conditions de vie, de bien-être et d’hébergement des chiens de travail (Haverbeke et al., 2009).

 

En conclusion, les études les plus récentes montrent que l’utilisation de méthodes d’entraînement positives améliore non seulement la performance du chien, mais également le bien-être du chien et la relation homme-animal. De plus, l’utilisation fréquente de méthodes d’entraînement basées sur la punition n’offre pas de meilleures performances (Hiby et al., 2004 ; Haverbeke et al., 2008 ; Rooney et al., 2011 ; Arhant et al., 2012).

Ces résultats ne peuvent que nous pousser à mieux observer quelles sont les méthodes d’entraînement que nous appliquons quotidiennement envers nos animaux. Aujourd’hui, nous vous invitons à expérimenter vous-même ce que la recherche a pu confirmer scientifiquement : l’utilisation de méthodes positives accroît le bien-être de nos animaux. Au plus l’on travaille
positivement avec notre chien, au plus celui-ci sera motivé, heureux et augmentera sa performance. La motivation et la joie se reflétera sur vous et votre travail accompli. Ne recherchons-nous pas tous en la présence de nos chiens la joie d’être avec eux dans le moment présent...? Allez-y ! Utilisez les principes d’apprentissage dans l’art et amusez-vous… au service d’un mieux-être canin et humain !


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

Adams G.J., Johnson K.G., 1994. Sleep, work and the effects of shift work in drug detection dogs Canis familiaris. Applied Animal Behaviour Science 41, 115-126.

Arhant C., Bubna-Littitz H., Bartels AN; Futschik A., Troxler J., 2010. Behaviour of smaller and larger dogs: effects of training methods, inconsistency of owner behaviour and level of engagement in activities with the dog. Applied Animal Behaviour Science 123, 131-142.

Beerda B., Schilder M.B.H., Van Hooff J., De Vries H., Mol J., 1998. Behavioural, saliva cortisol and heart rate responses to different types of stimuli in dogs. Applied Animal Behaviour Science 58 (3-4), 365-381.

Batt L., Batt M., Baguley J., McGreevy P., 2008. The effects of structured sessions for juvenile training and socialization on guide dog success and puppy-raiser participation. Journal of Veterinary Behavior 3, 199-206.

Battaglia C.L., 2009. Periods of early development and the effects and social experiences in the canine. Journal of Veterinary Behavior 4, 203-210.

Blackwel E.J., Casey R.A., 2006. The use of shock collars and their impact on the welfare of dogs: a review of the current literature. Report to the RSPCA, http://www.rspca.org.uk/servlet/Satellite?blobcol=urlblob&blobheader=application%2Fpdf&blobkey=id&blobtable=RSPCABlob&blobwhere=1138718966544&ssbinary=true (dernier accès le 22/07/2012)

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SOURCE : AVA (Aide aux Vieux Animaux) - Ferme du Quesnoy - 76220 CUY-SAINT-FIACRE - www.avarefuge.com

Publié dans Éducation canine

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